Textes

Du 12 décembre au
12 décembre 2024
6 rue du Buisson Saint Louis Paris 75010

Ca grouille, ça grouille. Ils sont tous là.
Ils se sont donné rendez-vous chez Rebecca Campeau.
Debout, assis, sous des cloches scintillantes, enfermés dans des cages
( oh!  jolis reliquaires!  ) la main dans la main, en grandeur nature, ou miniaturisés, hautains, fiers, amicaux, parfois indifférents : Marcel de la petite madeleine, Gustave de la femme volage, Vincent le hollandais, la Goulue cherchant Valentin…
Parmi cette foule, une meute de chiens se faufile dans ce cirque féerique.
Des anges nus s’équilibrent depuis le plafond dans une chorégraphie réglée par
l’esprit du « cheval fou «.
Dans un envol, les oiseaux couronnent cette sarabande effrénée issue de la baguette magique de Rebecca – maitresse des lieux et des chiffons.
Elle transforme cette vie grouillante en mille merveilles qui vous donnent envie d’être poète.
C’est curieux, on nous a toujours fait croire que les femmes n’étaient bonnes qu’aux travaux d’aiguilles…..

    Cérès Franco – Musée & Collection à Montolieu (Aude)

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J’aurais envie de jouer à la poupée avec les personnages de Rebecca Campeau, mais
par-dessus tout j’aime son bestiaire (ah ! son singe emplumé comme une grande cocotte)
et ses fabuleux oiseaux, Loulou le perroquet de Flaubert, mais tous les autres,
oiseaux de lumière, de feu, de givre.
Envol généralisé, des cygnes-mouettes comme des fleurs qui se balancent au vent,
des cages si fines qu’un souffle suffirait à leur donner des ailes, de notre imagination
enfin libérée du poids du sol.

Andréa Ferréol – comédienne

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On les reconnaîtrait presque, et à brule-pourpoint ce sont des marionnettes, des figures
presque comiques issues d’un cabinet de curiosité, de tout un capharnaüm de poupées
retrouvées longtemps après dans un grenier.
Mais ce sont surtout des grotesques, des êtres excessifs, révélant par leur visage, leur
attitude et leurs grimaces, leur vrai tourment intérieur.
Leurs gonds intimes grincent.
On dirait parfois que l’insensé prend le pas sur le ridicule, comme chez Goya.

 Emmanuel Merle, poète & auteur ( texte extrait du pour le catalogue de l’exposition Art partagé, Rives 2016 ( Association Oeil-Art )

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Pour Rebecca Campeau, créer c’est jouer.
Non, il n’y a pas de questionnement sociétal dans
les trognes humaines et animales de Rebecca
Campeau. Pas de message humanitaire, pas
d’engagement politico- philosophique, pas
d’acte de révolte, de résistance, de rébellion ou
d’insoumission à ceci ou cela…
Non, il s’agit seulement d’un jeu… d’un jeu en
soi et pour soi, d’une pure écriture plastique
dont le sujet est à l’intérieur d’elle-même et non
dans une représentation qui n’est que prétexte.
Oui, il s’agit d’une construction abstraite sans
autre raison extérieure à elle. C’est ce que je
crois.
Et c’est ce qui fait la force de cette oeuvre, en
même temps que sa liberté, sa joie, son inventivité,
son imprévisibilté et son charme fait d’un
mélange de férocité et de tendresse, de nostalgi
pour une rusticité disparue, d’humour et de
poésie .

Pierre Souchaud, ( Peintre et fondateur de la revue ARTENSION )

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Rebecca sculpte et peint, peint et sculpte, on ne sait plus
très bien. Son oeuvre est protéiforme.
Elle émeut et surprend par ces figures qu’on dirait tout
droit sorties d’une toile, après un crochet dans le grenier
d’une grand-mère mythique et certainement proustienne.
Son oeuvre est un art de donner vie au presque rien, un
sauvetage.
Elle impose une esthétique à mi-chemin entre l’arte povera
et le grotesque.
Rebecca cultive l’exubérance, impose avec ses « Trognes »
cabossées, brulées, outragées, une beauté du laid, nuancée
d’humour, de retenue chromatique, de noblesse grâce au
lin, son matériau de prédilection.
Ses créatures très animées ont l’air légèrement « perdues » ;
et cette série de Longues pattes a certainement à voir avec
Dali. Comme un hommage à sa folie, à son énergie, à ses
envies.Rebecca est, comme lui, une antidote à la morosité.

      Cécile Dufay, galeriste  – ( à Prais  dans le Village Suisse  )

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Pluridisciplinaire , Rebecca est une véritable passionnée.
Depuis une vingtaine d’années elle sculpte,peint, dessine des créatures humaines
ou animales grandeur nature ou en taille réduite, mais chacune avec sa personnalité.
Les objets que Rebecca appelle “ Les Trognes “, ne sont pas vraiment des caricatures,
ni des idoles ou des des symboles. Ni surtout des OEuvres Plasticiennes avec un grand O
et un grand P. Ou alors il faudrait leur appliquer toutes ces définitions à la fois, tout en
ajoutant qu’ils font partie d’un grand peuple,comme les gnomes,les ostrogothes,les
Schtroumpf ou les Français.
À vrai dire c’est surtout à ces derniers qu’ils ressemblent.
D’abord parce qu’aucun d’eux ne ressemble à aucun autre :
Vous reconnaîtrez facilement Napoléon III, la Goulue, Marcel Proust, votre voisin de
palier,l’homme ou la femme de votre vie, votre portrait ou celui de votre chien,chat,singe

        Frank Horvat, photographe

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Une Italienne

Aux jaunes des murs, aux verts des persiennes

Au bleu du ciel della Piazza del Campo

La foule piaffait au spectacle du Palio

Depuis les ocres de la terre de Sienne.

Et comme elles sont drôles leurs trognes,

Quand certaines, perchées à leur loggia

Se bigornent de querelles et de chicayas,

L’orgueilleux du haut en bas pointant l’ivrogne.

Et pullulent les palabres d’hurluberlus,

Comme les occasions de se taire perdues,

Avec leurs grands yeux aux regards éperdus

Qui, exaltés par l’ivresse et la berlue

Vont de remue-ménages passionnés

En brouillaminis confus et chiffonnés.

Et ces galeries d’étranges créatures,

Sous les corbeilles et les balcons,

Attentives, assises en parterre rubicond,

Bruissent aussi de la scène sous les tentures.

Car elles sont amateures de théâtre.

Au côté d’un petit notaire mal fagoté

Soupire une bourgeoise empapillotée,

Près de sa soeur à la mine olivâtre.

C’est un agglutinement de bobinettes

Et même de moustaches ébouriffées,

Une compagnie étonnamment attifée,

D’acteurs involontaires de saynètes,

Du rose et du fard à la bouche mâchurée,

Qui chuchotent piano des avis délurés.

Et qui peuvent chanter comme une cocotte

Dans une petite auberge transalpine

Mitonnant sur les feux de la cuisine,

Cartes et menus pour leurs compatriotes.

C’est une troupe de petites gens,

Celles du commerce de boutique,

Le Parmigiano, les herbes aromatiques,

De l’épicerie pour trois sous d’argent.

Ça salive aux pâtes fraiches en peloton

Qui dégoulinent comme une garniture

Pendue aux râteliers des devantures

Selon l’inspiration du marmiton,

Les rouges Pomodori et le basilique

Epelés sur les ardoises en italique.

Et dans les rues de cette belle ville

L’on peut aussi accueillir le vagabond

Le jeune tout autant que le barbon

Dans les convenances et la grâce civil.

Une sibylle, adroite passementière,

Par quelques points de couture,

Malgré les désespérantes conjectures,

Saura comme une habile couturière

Armée de jolis fils à ses aiguilles,

D’un peu de tissus et d’accommodations

Dans son atelier de confection,

Rendre allure à leurs vilaines guenilles,

Changeant l’usure et la patine en lustre,

Pour l’éclat d’apparences plus illustres.

Parce que cette affectation chaplinesque

Leur échut d’une sorte de petit héritage,

Suite à d’innocents marivaudages,

Et quelques malentendus grotesques.

Locataires des faubourgs à cancan

Gardez-vous des manières chaloupées,

De la bouche gourmande des poupées

Et de leurs invitations à l’encan.

Il demeure toujours une mégère

Derrière les carreaux à sa fenêtre

Une marâtre qui s’ingénie et fait naître

Des conversations cancanières,

Dénouant le galon doré de la famille

Sur le ruban rouge d’une jolie fille.

Et tout est bien qui finit à temps

Quand veille des nuits sous l’édredon

Entre froufrous, chuchotis et fredons

Et que répète la voix de l’intermittent.

Inspiré d’Aubusson et d’aventures

Il tapisse une multitude de personnages

Qui se fondent dans des paysages,

Tissés de fils et de parementures.

Il est cependant d’une étoffe populaire

Attentif au motif, à la pièce et sa chute,

Lorsque se fait le silence. Silence ! Chuuut !

Avant la générale c’est la couturière,

Dernier acte, dernière scène, dernier vers,

Qui fait un point à l’endroit, un point à l’envers.

 

© Jean François Bottollier auteur-plasticien

 

 

Cérès Franco texte

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